• la vengeance

    Toshiro inspira et expira profondément à plusieurs reprises. La sueur ruisselait sur son corps, dont les muscles saillaient sous la peau au moindre de ses mouvements. Il se concentra sur la planche de bois qu'il avait placée sur deux billots. Toshiro s'avança de deux pas. Déjà l'intensité de son regard rivé sur la planche reflétait son état d'esprit. Il ne laissait aucune place au doute. La planche se briserait sous sa frappe. Il imaginait son mouvement: son poing aux phalanges vérouillées allait se lever doucement au dessus de sa tête, puis s'abattre avec toute sa puissance sur le morceau de bois qui,brisé, tomberait sur le sol.
    Le jeune homme poussa un kiai, et ce qu'il avait répété mentalement se réalisa. Doucement son corps se relâcha. Il s'épongea le front ... Son entraînement quotidien avait commencé tôt. Chaque jour, Toshiro s'entraînait durement en repoussant au delà les limites de son corps et de son esprit. Il se préparait de la sorte pour être sûr d'être prêt le jour venu où il mettrait son plan à exécution. Il pensa à Kiroko, le daimyo qui tyrannisait la région.
    Toshiro vouait une admiration et un respect inconditionnels à l'homme qui l'avait recueilli et élevé. Maître Otaki l'avait trouvé dans la forêt, l'avait ramené chez lui et élevé comme Yagura son propre fils qui venait lui aussi de naître.
    Durant vingt ans maître Otaki leur avait enseigné le karate, les arts martiaux, et la philosophie. Quand il fut en âge de comprendre, le maître expliqua à Toshiro qu'il était son père adoptif, et le jeune homme s'était toujours promis de faire la lumière sur ses origines, et sur ses véritables parents.
    A la mort du maître, son fils Yagura, devenu le meilleur ami de Toshiro, reprit la direction de l'école d'arts martiaux. Malheureusement, Yagura avait la passion du jeu et, quelques années après la mort de son père, il abandonna l'enseignement rongé par le démon du jeu. Toshiro prit à son tour la direction de l'école d'arts martiaux.
    Un soir, trois hommes l'avait attaqué. Toshiro les avait corrigés sans difficulté. Mais plusieurs élèves de son école avaient été également agressés, et avaient reçu des menaces de mort. D'autres avaient eu leurs maisons brûlées. Les jeunes adeptes craignant pour leur vie quittèrent l'école. Toshiro quant à lui trouva refuge dans la forêt ... Puis un jour, il apprit par un ancien élève que Yagura était parti jouer en ville et n'était pas revenu ...
    Il s'était alors mis en tête de tout faire pour le retrouver ... Toshiro pénètre dans sa cabane, et ayant décider de se déguiser, prit l'apparence d'un pauvre marchand.
    Dans la demeure fortifiée de Kiroko, daimyo de la ville, régnait l'agitation habituelle à cet instant de la journée. On préparait les combats qui allaient opposer Kiroko à des prisonniers. Le sinistre daimyo, expert en arts martiaux, avait instauré une manière peu académique de s'entraîner. Il promettait la liberté à celui qui parviendrait à le battre lors des combats qui se déroulaient tous les après-midi.
    Les prisonniers avaient le choix des armes. En réalité Kiroko profitait de ces entraînements spéciaux pour tester l'efficacité de ses techniques sur des adversaires mal nourris et fragilisés physiquement. Les pauvres croyaient à la sincérité du daimyo et voyaient une opportunité de gagner leur liberté. Ils ignoraient que pas un seul d'entre eux n'étaient parvenu à quitter l'aire de combat vivant.
    Beaucoup de marchands de fruits et colporteurs déambulaient dans les rues. Toshiro n'eut aucune difficulté à se fondre parmi eux. Il s'étonna des nombreuses allées et venues des gardes à la solde de Kikoro.
    Tout à coup, un groupe de trois gardes stoppa de l'autre côté de la rue. Les trois hommes parlaient fort et riaient bruyamment. Un viel homme arc-bouté sur une canne leur demanda l'aumône. Un des hommes poussa le vieillard qui tomba dans la poussière.
    Fou de colère et d'indignation, Toshiro se rua sur le groupe. Le vieillard tentait de se relever mais ses maigres forces semblaient l'avoir abandonné. Toshiro bouscula les gardes pour apporter de l'aide au vieillard. Indigné qu'un marchand de peaux le bouscule ainsi, le plus grand des trois individus saisit Toshiro par l'épaule. Ce dernier pivota comme un éclair et porta un coup de pied retourné au ventre du garde qui s'effondra sur le sol. Les deux autres tentèrent de dégainer leurs katana.
    Toshiro ne leur en laissa pas le temps. En un bond, il était devant l'un des hommes et lui assénait un coup de pied direct au plexus solaire suivi d'un coup de coude au visage. Le dernier reçut un circulaire dans la mâchoire et il s'écroula dans la poussière. La foule s'était agglutinée autour des acteurs du combat. Toshiro aida le vieillard à se remettre sur ses jambes. Yous les passants félicitaient chaleureusement le jeune homme pour sa conduite, et comme par enchantement, tous voulaient lui acheter ses peaux d'animaux.
    Toshiro avait tenté de se renseigner sur son frère auprès de ses divers acheteurs mais sans obtenir de réponse. Il reprit son chemin dans les rues de la ville écrasées de soleil et de bruits.
    Dans la deumeure du daimyo, les combats dans l'arène intèrieure avaient déjà commencé. Kiroko était face à un prisonnier. Armés chacun d'un katana ils s'observaient. L'homme était jeune et pour une fois vigoureux. Ses muscles longs et noueux, ses épaules larges en témoignaient. Il avait choisit de combattre le daimyo au sabre.Sa manière de tenir le katana laissait à supposer qu'il pratiquait l'art du sabre. Kiroko, les lèvres retrousées sur un sourire, ressemblait à un loup. Il avança sur son adversaire et frappa de haut en bas comme pour le fendre en deux. Ce dernier esquiva d'un saut de félin et tenta d'un mouvement circulaire de son arme de porter un coup aux jambes. Kiroko sauta tandis que la lame coupait le vent dans un sifflement. A peine ses pieds venaient-ils de toucher le sol qu'il portait un coup direct de pointe à l'estomac du prisonnier qui, tentant d'attaquer également, vint s'empaler sur la lame acérée.
    Lorsqu'il fut revenu dans ses appartements, Kiroko eut la visite d'un serviteur qui vint lui annoncer qu'un étranger posait des questions au sujet d'un dénommé Yagura et qu'il avait également rossé de belle manière et devant témoins trois hommes de la garde. Un rictus déforma le visage du daimyo:
    - Amenez-le-moi et surtout vivant ...
    Quand il pénétra à l'intérieur du temple, Toshiro ne se doutait pas qu'il était épié par les gardes. Ils étaient plus d'une quinzaine à avoir pris position à l'extérieur du lieu. Après s'être recueilli, le jeune homme sorti du temple. C'est alors que les gardes jaillirent de toutes parts et le maîtrisèrent. Devant la rapidité et le nombre des assaillants, Toshiro ne put esquiver un geste de défense. Il fut rapidement ligoté et emmené par l'escorte vers la forterese de Kiroko. On le poussa dans une grande cellule où se trouvaient déjà entassés une trentaine d'hommes.
    Au bout d'un moment, il sentit un regard très appuyé pesé sur lui. Toshiro scruta les visages dans la pénombre de la cellule. Tout à coup son pouls s'accéléra et il ressentit une légère crispation au creux de l'estomac. L'homme qui le regardait n'était autre que Yagura, son ami de toujours ... Ils se frayèrent un chemin parmi les autres prisonniers, et tombèrent dans les bras l'un de l'autre. Aussitôt, Ygura éclatat en sanglots. Quand Toshiro lui demanda comment il était arrivé dans les geôles du daimyo, Yagura se jeta à ses genoux en le priant de le pardonner pour tout ce qu'il avait fait. Toshiro interdit, lui demanda pourquoi il disait cela. Alors Yagura commença à parler:
    - Mon père qui t'a recueilli, m'a raconté ton histoire sur son lit de mort; il a cherché à savoir qui pouvait t'avoir abandonné dans des irconstances aussi ignobles. Après des années de recherches il a apprit que le daimyo Kiroko avait des relations adultères avec la soeur de son épouse légitime. Cette dernière s'étant retrouvée enceinte quitta la forteresse. Kiroko la fit rechercher, mais elle avait déjà accouché d'un garçon. Kioroko la fit supprimer, et je pense que tu as deviné qui était l'enfant.
    Toshiro abasourdi ne put que demander:
    - Mais pourquoi es-tu là, et pourquoi implores-tu mon pardon?
    Yagura entre deux sanglots reprit son histoire.
    - J'avais perdu d'énormes sommes au jeu, j'étais accablé de dettes, mes créanciers voulaient me tuer. J'ai demandé une audience à Kiroko, et je lui ai révélé qui tu étais, contre de l'argent et sa protection.
    Mais Kiroko ne m'a jamais donné d'argent, et en fait de protection il m'a fait jeter dans ce cachot. De plus, demain je le combattrai dans l'arène, et il me tuera ... Yagura regarda Toshiro avec des yeux remplis de larmes, et dit:
    - Regarde l'homme pour qui tu es venu risquer ta vie, c'est moi, un traître.
    Le lendemain après-midi,Yagura entouré par les gardes, quitta la cellule pour se rendre dans l'arène ou l'attendait Kiroko, katana à la main. C'est lui qui avait décidé du choix des armes, en déclarant que les traîtres n'avaient aucun droit à la parole. Quand Kiroko lui planta son sabre dans le corps, Yagura n'esquissa pas le moindre geste de défense. Il s'effondra, inerte sur le sable jaune de l'arène.
    Se sentant frustré de la non combativité de son adversaire, le daimyo fit venir Toshiro, en espérant cette fois trouver son compte de sensations fortes. Les gardes vinrent chercher Toshiro pour le conduire dans l'arène. La première chose qu'il vit fut le corps de Yagura gisant sur le sol, le katana à la main.
    Kiroko, son rictus de loup accroché à ses lèvres minces le dévisagea, et dit:
    - Alors c'est toi le bâtard? Je vais régler la situation là où mes gardes ont échoué. Comment veux-tu combattre?
    Toshiro sans hésitation rugit:
    - A mains nues, et jusqu'à la mort.
    Ils étaient face à face en position de combat.Toshiro fit une feinte du poing en avançant, et enchaîna immédiatement par un redoutable coup de pied circulaire de la jambe avant. Kiroko surpris par la rapidité et la puissance de l'attaque, ne parvint qu'à amortir le coup avec son avant-bras. Il se désaxa et frappa à son tour Toshiro d'un coup de pied au ventre. Sous l'impact, le jeune homme tomba.
    Le daimyo, voulant profiter de son avantage, tenta de lui porter des coups de talons pendant qu'il se trouvait au sol. Toshiro roula sur lui-même, et se releva. Il attaqua par une feinte de jambe pour se mettre à distance et frappa en plein visage Kiroko d'un coup de poing direct, suivit d'un coup de pied latéral dans les côtes. Ne s'attendant pas à rencontrer une telle opposition le daimyo chercha des yeux le katana dont il s'était servi pour frapper Yagura. Il fit une roulade et s'en empara. Il poussa un cri guttural, et fonça sur Toshiro en faisant de grands moulinets avec le sabre.
    Toshiro recula, il essayait de sortir de l'axe, mais Kiroko exerçait une forte pression, et le jeune homme trébucha. Kiroko leva son sabre, mais au moment où il allait l'abattre sur Toshiro, la pointe d'un autre katana lui sorti de la poitrine. Derrière lui se trouvait Yagura, le corps ensanglanté.
    Toshiro se leva pour soutenir son ami, tandis que Kiroko, étendu, venait de mourir.Les yeux déjà dans le vague, Yagura demanda:
    - Veux-tu me pardonner? Toshiro lui sourit, et dit:
    - Oui mon ami, oui mon frère ...


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