• le chat de platine

    le chat de platine
    11


    Le rapide Paris-Marseille était arrêté non loin d'une petite ville appelée Pierrefitte. Alertés par les cris du chef de train, les voyageurs se précipitèrent sur le ballast et constatèrent qu'en effet la locomotive, le tender et les deux wagons de tête avaient disparu. Comment cela était-il arrivé ?
    Revenons en arrière, au moment où M. Colerette avait pris position dans le deuxième wagon, pour observer le "bon vivant" au teint rubicond. Pendant que ce voyageur causait avec sa filleule et avec la compagne de celle-ci, la religieuse qui les accompagnait se rendit dans le couloir, sans doute par discrétion. Elle fit quelques pas vers l'arrière et se trouva non loin du soufflet, où se tenait l'agent de police chargé de protéger notre détective. Alors, la respectable nonne poussa un cri :
    - Mon Dieu ! Il y a un homme dehors, sur le marchepied !
    Le policier s'avança, l'arme en main :
    - Un homme ? Que fait-il là ?... Il a certainement de mauvais desseins.
    - Attention, reprit la religieuse, il vous a vu arriver. Il s'est accroupi dans l'angle de la portière.
    - Nous allons l'obliger à s'expliquer.
    D'un geste rapide, l'agent ouvrit la portière. Il se pencha et fit un geste de surprise. Sur le marchepied, il n'y avait personne !
    - Comment est-il possible que...
    Le malheureux n'eut pas le temps de continuer sa phrase. Une violente poussée lui fut imprimée à l'improviste, de l'intérieur. Il perdit l'équilibre, tomba dans le vide. Par chance pour lui, la voie était bordée à cet endroit d'un léger talus et d'une bande de prairie où l'on venait de faire la fenaison. Le policier roula sur la pente, chut sur un tas de foin. Il avait plus de peur que de mal. Mais déjà le rapide était loin...
    A la portière ouverte, en queue du deuxième wagon, la religieuse riait en se frottant les mains. Sur quoi, elle enleva son costume, sa cornette. Et un vigoureux garçon apparut, à la toison crépelée. Une sacoche lui pendait à l'épaule. Il en tira quelques outils enveloppés de chiffons, qu'il déploya. Puis, il s'attaqua aux attaches postérieures du wagon.
    Ce fut fait de main de maître. En dix minutes, les chaînes furent décrochées, les boulons démontés. Un dernier effort défit la liaison centrale. Le train fut divisé en deux segments. Celui de tête, allégé, prit de la vitesse. Celui de queue ralentit, puis s'arrêta. Quand le chef de train donna l'alerte, la locomotive et les deux wagons étaient déjà à plus d'un kilomètre.
    M. Colerette, qui ne se doutait de rien, regardait toujours le bon vivant. Tout à coup, celui-ci se tourna vers l'observateur invisible et lui adressa de la main un petit salut amical. Le détective, étoné, se rejeta en arrière. Trop tard ! solide câble, qui lui était jeté par derrière, glissait sur ses épaules et lui immobilisait les bras. Renversé sur la banquette, il vit un homme aux cheveux crépelés :
    - Que le ciel me confonde, murmura M. Colerette. C'est le nommé Jocast !
    - Moi-même, pour ne pas vous servir ! fit le personnage en ricanant.
    Le soi-disant parrain vint le rejoindre. Et derrière eux, on apercevait, hilares, les prétendues filleules.
    - Eh bien, illustre M. Colerette, vous êtes quinaud cette fois-ci ! triompha l'ex-secrétaire. Par quatre fois, vous avez pu nous empêcher de mettr la main sur l'objet de nos convoitises. Mais à la cinquième, vous êtes tombé dans le piège. Si vous aviez été plus avisé, pauvre M. Colerette, vous vous seriez demandé qui avaiy intérêt à ce que ces premières voitures fussent vides ! Quand des carreaux sont cassés de part et d'autre, dans deux wagons successifs, ce n'est pas par hasard. Cela aurait dû vous rendre circonspect. Il fallait deviner que, seules, des personnes de notre genre peuvent s'installer volontairement dans un courant d'air. Mais nous vous connaissons, mon bon monsieur, nous savions que vous viendriez y fourrer votre nez, selon votre aimable habitude. Dan ces conditions, votre sort était réglé. Parti de Paris par le train précédent, je vous attendais à Avignon, avec deux jeunes affiliées de notre bande. Avouez que mon costume de religieuse était un trait de génie ! A aucun prix, je ne devais vous montrer mes cheveux.
    Tout en discourant de la sorte, le sieur Jocast coupait à l'aide de cisailles les chaînes qui retenaient la valise en peau de crocodile. M. Colerette, ivre de fureur, était solidùent maintnu par le bon vivant.
    - Bandits ! grondait notre héros. Vous vous repentirez de cette audace. Je vous arrêterai tous de ma main et vous conduirai moi-même au bagne.
    - Vous vous faites des illusions ! Vous n'aurez plus jamais l'occasion d'arrêter personne, grinça le bon vivant.
    - Je tiens l'objet ! déclara Jocast, en brandissant la valise.
    - Alors, Mesdames, c'est à vous d'agir. Prenez les grands moyens.
    Les donzelles s'approchèrent docilement. L'une d'elle portait une espève de sac. M. Colerette, ligoté dans son câble, fut introduit dans cet étui.
    Pendant ce temps, le bon vivant démontait progressivement les attaches entre le premier et le deuxième wagon. Il fallait se hâter : le machiniste allait s'apercevoir que les deux tiers du train ne suivaient plus la locomotive. Et d'autre part, le point où les bandits avaient décidé de quitter le train n'était plus très éloigné.
    Dans sa prison de toile, le étective réfléchissait amèrement à la situation. Il aboutit, non de gaieté de coeur, à la conclusion suivante :
    "Au prochain passage à niveau, une voiture attend probablement ces malfaiteurs. Avant de fuir avec le Chat-de-platine, ils me jetteront sous les roues..."
    A ce moment, Jocast achevait de fracturer la valise. Il y plongea la main, et poussa un juron terrible :
    - Elle est vide !

    A SUIVRE


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