• le chat de platine

    le chat de platine

    21

    A l'aube, l' "As-de-Carreau" passait au large de la Sardaigne.
    M. Thiais, bâillant largement, vint avertir le détective : la chambre-forte était prête. On y avait travaillé toute la nuit.
    - Enfin ! s'écria M. Colerette. Cette faction, l'arme au poing, m'a fatigué. Je vais transporter dans leur logement définitif les pièces du trésor, et prendre un repos bien mérité. Voulez-vous me donner un coup de main, maître d'hôtel ?
    - Avec plaisir, Monsieur, répondit le petit homme.
    Bâillant à son tour, M. Colerette alla ouvrir la chambre-forte, dont, seul avec le ras, il avait le secret et la clé, puis il revint dans le salon du commandant, où M. Thiais l'attendait en clignant des paupières. Le cerveau-numéro-un ouvrit le coffre, prit les pièces mineures du trésor, qui se trouvaient en avant.
    - Je fais deux voyages, dit-il avec bonhomie. Pendant que je porte ceci, tenez-vous bien vigilant devant le reste, qui comprend le Chat de platine, excusez du peu !... Vous n'allez pas vous endormir, au moins ?
    Le maître d'hôtel fit un signe négatif.
    - Tenez, prenez mon pistolet. On ne sait pas ce qui peut arriver.
    Et M. Colerette, les bras chargés d'écrins, s'engagea dans l'escalier des cabines.
    A travers les portes de celles-ci, il entendait les ronflements des occupants, depuis ke fausset de Tifon-Palamos jusqu'au bombardon de Sidonie.
    A l'étage inférieur aussi, le ras s'en donnait à coeur joie. Le détective déposa les pièces mineures du trésor dans les casiers latéraux de la chambre-forte, qu'il referma. A ce moment, des pas retentirent dans l'escalier. C'était Jean-Jacques, titubant de sommeil, qui apportait un paquet oblong.
    - Oh, que c'est lourd ! murmura-til. Voici, mon oncle.
    - Qu'est-ce que c'est que ça ? sursauta M. Colerette.
    - C'est l'objet.
    - Quel objet ?... Veux-tu me répondre clairement ?
    D'un geste impatient, notre homme ôta l'enveloppe du paquet. Le Chat de platine apparut.
    - J'ai cru bien faire de vous le descendre, puisque vous êtes en plein déménagement.
    - Soit ! bougonna le détective. Mais tu te mêles encore une fois de ce qui ne te regarde pas. j'avais organisé la chose avec le maître d'hôtel. Cela m'étonne même qu'il t'ait laissé approcher du coffre-fort, que je lui avais ordonné de garder.
    - Oh, ça s'est arrangé, dit laconiquement Ygrec. Il bâillait à se décrocher la mâchoire.
    M. Colerette mit "l'objet" dans la chambre-forte, qu'il ferma.
    - Là ! dit-il avec satisfaction. Nous voilà bien tranquilles. Pour percer cette paroi blindée, il faudrait un canon de campagne. Et pour ouvrir la porte, il ne suffit même pas d'avoir la clé : il faut connaître le mot. Je vais refermer le coffre du commandant, puis je me coucherai jusqu'à midi.
    Dans le salon du commandant, un spectacle curieux attendait le détective. le petit maître d'hôtel; immobile comme une souche, était allongé par terre devant la porte. et dans le fauteuil, Marinon dormait de tout son coeur.
    - Citrouille ! cria M. Colerette, en secouant sa nièce. Citrouille ! réponds-moi ? Qu'est-il arrivé ?
    La jeune fille ouvrit mollement un oeil.
    - Ce qui est arrivé ?... Rien, dit-elle en bâillant à son tour. Nous nous sommes un peu amusés, Ygrec et moi.
    - Amusés comment ?
    - J'ai essayé sur le comique petit monsieur la septième clé japonaise. Avec succès.
    - Elle m'a attrapé par le poignet ! geignit le maître d'hôtel, réveillé. Elle m'a fait tourner comme une toupie et basculé par dessus son épaule.
    - C'est ridicule ! dit Colerette en ramassant son revolver. vous devenez impossibles, Jean-Jacques et toi. Cette nouvelle fantaisie aurait pu tourner très mal. Heureusement que ton garnement de frère m'a descendu tout de suite le Chat de platine, qui se trouvait sans défense, puisque tu t'étais sottement attaquée au gardien que j'avais mis devant le coffre-fort. Vos enfantikkages risquent de me coûter fort cher. Que je ne vous y reprenne plus !
    Marinon s'était profondément rendormie. Le détective se décida à gagner sa chambre, en consolant M. Thiais, qui se plaignait d'avoir la tête rompue.
    Pendant ce temps, Jean-Jacques, revenu dans son atelier de sculpture, se remettait à plaquer de la pâte à modeler sur son groupe des deux boxeurs. Le capitaine Gourgourax, qui venait de déjeuner, regardait travailler le jeune artiste.
    - Je suis très influencé par la sculpture égyptienne, dit celui-ci, au bout d'un moment. L'autre jour, je regardais sous un hangar les sarcophages qu'on allait charger sur votre bâtiment. Ils m'ont fort impressionné.
    - Pourtant rien n'est plus simple qu'un sarcophage, mon petit ami. Surtout un sarcophage fermé ! Deux coquilles de pierre, se rejoignant hermétiquement, ce n'est pas très joli à regarder.
    - Certaines, dit Jean-Jacques, laissent passer des tuyaux.
    - Qu'est-ce que vous racontez ?
    - Je vous assure. l'un des sarcophages qui se trouvaient sous ce hangar laissait passer un tuyau de caoutchouc.
    - Vous êtes sûr ? demanda le capitaine en se levant.
    - Je l'ai vu comme je vous vois.
    L'impétueux Gourgourax sortit brusquement.
    Vingt minutes plus tard, un bruit de voix se faisait entendre au panneau de cale. Trois matelots, conduits par le capitaine, tenaient solidement un inconnu, grand diable aux cheveux hirsutes, aux yeux pétillants, vêtu d'une combinaison de toile et oiffé d'un petit chapeau, rappelant le couvre-chef des pharaons.
    - Un passager clandestin ? demanda M. Laitance, qui faisait sa promenade du matin.
    - Et un culotté !... L'animal s'était enfermé dans un sarcophage !
    Le passager clandestin semblait très gai.
    - Pourquoi t'est-tu caché sur ce bateau ? questionna sévèrement le capitaine.
    Et l'homme en combinaison répondit, avec un sourire de coin :
    - Pour faire des économies !


    A SUIVRE


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