• le coup de théâtre

    "La lame s'abattit, et sur la neige immaculée jaillit une humeur carmine...
    - Sesuke !!
    Le cri se répercuta sur les parois des montagnes alentour, puis le sifflement du vent s'intensifia. C'était comme si le blizzard de cette contrée, en maître des lieux, avait haussé le ton, courroucé par l'incursion de la voix humaine.
    La jeune femme lâcha son sabre court et se jeta au sol, aux côtés du guerrier qu'elle venait de pourfendre : son mari. Elle plongea son regard dans le sien et y lu tout l'amour qu'il avait envers elle. Il n'avait plus la force de bouger mais dans ses yeux elle lut son pardon, et son merci pour la vie qu'ils avaient passée ensembles et la délivrance qu'elle venait de lui apporter.
    Au moins la Dame des Glaces n'aurait-elle pas eu Sesuke, au moins c'est dans ses bras à elle qu'il était mort.
    Ainsi, les larmes de Mahiko-hime furent emportées par le blizzard et il est dit que son esprit tourmenté erre encore dans cette contrée, où l'hiver est éternel."
    L'écho des dernières notes de musique qui accompagnaient la pièce s'estompa et les artistes saluèrent en direction de l'estrade de leur seigneur et s'éclipsèrent derrière les écrans richement décorés.
    - Une surprenante manière de relater cette fable, Tenkaro-Sama.
    Akodo Aritochi délaissa la scène de son regard et se tourna vers son hôte, Yasuki Tenkaro. Ils s'étaient souvent rencontrés de par le passé pour discuter de la politique et des engagement mutuels de leurs clans respectifs. Cette fois-ci, c'était lui qui était venu le voir et ce dernier l'avait accueilli en organisant un banquet et un étrange spectacle en son honneur.
    - J'espère que les quelques libertés prises par mes artistes n'ont pas choqué le fieffé amateur de contes populaire que vous êtes, Aritochi-san ?
    Si son hôte s'inquiétait de la réaction du diplomate de la famille Akodo, ce dernier ne le remarqua pas et ponctua une moue réprobatrice d'un aller-retour agacé de son éventail.
    - Ce n'est pas tant le fond que la forme qui me perturbe. Je connais la qualité de vos acteurs en général, Tenkaro-sama, mais la manière dont est jouée cette pièce est simplement grotesque ! Il y a le conte, certes, mais où se trouve le chant, où est l'art ? Où est notre culture ?!
    Le ton se voulut apaisant, mais une certaine peur suait à présent de ses mots :
    - C'est ainsi que se déroule le théâtre Nanban Pôtogaru . Le narrateur accentue de par son récit le jeu des acteurs qui ne sont ni muets, ni masqués. Le récit n'est pas chanté, je vous l'accorde, mais il existe également l'opéra Nanban qui...
    La vision du visage cramoisi d'Akodo Aritochi serra tellement la gorge du Yasuki que ses derniers mots s'y étouffèrent.
    - Assez de ces Nanbanjins ! Cette engeance est bannie à jamais de l'Empire par le bras puissant de notre Shôgun ! Leur religion a été brisée et leurs prêtres brûlés ou crucifiés, et pourtant leur culture persiste encore et supplante nos arts dans des soirées comme celle-ci !?
    - Pourtant, cette pièce à été jouée à la cour de Tsudao-Chûgu l'été dernier, Aritochi-sama. Je puis vous assurer que l'Empereur lui-même a été très impressionné par le spectacle.
    S'il n'avait pas déjà été debout, le diplomate Akodo aurait jaillit depuis son siège.
    - L'Empereur !? C'est l'Impératrice qui est l'âme,la pierre de voûte de l'Empire ! Elle au moins supporte les Buke et non ces Kuge pervertis par un trop long contact avec des Gaijins !
    Akodo Aritochi prit une profonde respiration, emplissant ses poumons d'air frais et son hara d'énergie. D'un ton froid il reprit :
    - Je ne pense pouvoir rester plus longuement en votre demeure Tenkaro-san. La route du retour est longue et j'espère pouvoir passer présenter mes hommages au Shôgun Akodo Kaneka tant que je suis sur ses terres, Yasuki.
    Si sa langue avait été un sabre, il aurait laissé derrière lui un cadavre lorsque, sur ces mot, il fit volte-face et s'engouffra vers ses quartiers, certainement pour préparer son départ de la demeure au plus vite.
    Derrière une cloison entrouverte, un oeil attentif n'avait rien raté de la scène qui venait de se dérouler.
    - Fuuji-chan, viens donc terminer de te démaquiller ! Mais que regardes-tu donc ainsi ?!
    La jeune actrice se retourna vers le régisseur de la troupe avec un sourire satisfait.
    - L'avenir ike, l'avenir...


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