• Loup Agile, le traître

    Le soleil, se lève sur ce coin de l'immense Prairie et fait sortir des ombres de la nuit, qui traînent encore et luttent contre l'aube, les silhouettes des chariots bâchés de la caravane.
    Encore engourdie par l'immobilité de la fraîcheur du petit matin, les hommes du dernier quart de veille descendent des sièges des véhicules et font quelques pas, dans l'herbe grasse, pour dérouiller leurs muscles.
    Déjà, des appels résonnent, portés par la brise matinale, des gosses crient et des chiens mêlent leurs abois aux bruits de la vie qui renaît. Au centre du grand cercle formé par les chariots, des fumées s'élèvent et des marmites tintent.
    Une heure plus tard, le premier repas terminé et les ustensiles remis en place, tous les pionniers, hommes, femmes et enfants se réunissent pour entendre une communication de leurs guides, Dick Bright et Sam Rawley.
    Un profond silence s'établit parmi les quelque trois cents personnes présentes, lorsque Dick se dresse sur le siège du chariot où il a pris place avec l'autre scout.
    - Mes amis, dit-il, nous allons entrer, dans quelques heures, sur le territoire des Cheyennes, presque à la limite de celui où vivent les Blackfoot. Ces deux tribus appartiennent à la grande famille des Algonkin et sont, actuellement, en paix avec nous. Cependant, dès que nous serons sur leurs terrains de chasse, ils nous surveilleront, de plus ou moins loin, car leur confiance en nous est assez mince.
    Il convient donc que nous soyons très prudents et que nous évitions tout ce qui pourrait être interprété, par eux, comme une provocation. S'il vous arrive d'en apercevoir un, ne manifestez ni crainte ni curiosité ni geste agréssif, de façon à ne pas leur donner un motif d'action violente. Dans leur ensemble, ces Indiens respectent les traités qu'ils ont signés, avec nous, mais, il est possible que certains d'entre eux ne nous voient pas d'un bon oeil traverser ce qu'ils considèrent leur propriété.
    Voilà ce que nous voulions vous dire. Et maintenant, en route !
    Rapidement, les chevaux sont attelés et au milieu des cris, des jurons et des claquements de fouets, la longue file de chariots reprend sa marche vers les Montagnes Rocheuses, dans l'ordre de route qui a été fixé, une fois pour toutes, au départ.
    Pendant des heures, le ruban bariolé et cahotant serpente dans la Prairie, sous un soleil de plus en plus brûlant. Les lourdes voitures sont conduitent par des hommes âgés ou des femmes, pendant que les jeunes chevauchent sur les flancs de la colonne, tels des chiens de berger, afin de maintenir la cohésion du long serpent.
    Vers dix heures, on approche d'une ligne de collines entre lesquelles s'ouvre un défilé boisé et les guides font passer l'ordre de serrer les intervalles, entre les véhicules, le lieu étant propice à une embuscade, improbable, certes, mais néanmoins, éventuellement possible.
    Et, la caravane, bien soudée, pénètre dans l'ombre fraîche et très agréable, après la chaleur accablante subie depuis le matin.
    Le dernier quart du convoi est bien engagé dans le défilé, quand, soudain, une femme dressée sur le siège de son chariot, hurle :
    - Au secours ! Les Peaux-Rouges, là ! Ils vont tirer ! Atten...
    Une flèche, en pleine poitrine, coupe en deux le dernier mot lancé la malheureuse, qui roule en bas du véhicule.
    Pendant deux ou trois minutes, les flèches sifflent et une fusillade endiablée répond à leur vol. Des hommes, des femmes tombent dans la caravane, mais le tir de bas en haut des pionniers est trop umrécis pour faire beaucoup de victimes parmi les Indiens.
    Brusquement, d'ailleurs, ceux-ci décrochent et disparaissent en quelques bonds derrière les arbres et les rochers qui couronnent la crête de la colline.
    Et, lorsque Dick et Sam, ayant remonté le convoi en toute hâte, arrivent sur les lieux, ils n'y trouvent que les pionniers, empressés aup^rès de quelques blessés et de trois morts.
    Une dizaine de courageux qui ont gravi la pente, du haut de laquelle est partie l'attaque, reviennent bientôt bredouille. Ils ont aperçu les agresseurs, une quinzaine d'Indiens s'enfuyant dans la Prairie.
    - Je ne comprends pas, murmure Dick, en regardant la demi-douzaine de flèches qu'il a ramassées sur le lieu du combat, ce seraient des Cheyennes ? Mais pourquoi ? Cette attaque est idiote !
    - Je suis de ton avis, dit Sam, pensif. C'est du meurtre pour le plaisir, siu j'ose dire, puisque ces brutes n'avaient même pas l'espoir d'emporter une chevelure ! Et, cependant, ces flèches, comme la direction prises par les assaillants, prouvent qu'il s'agit bien des Cheyennes.
    - Oui, et je vais battre le fer pendant qu'il est chaud ! Nous allons installer le camp de l'autre côté de la prairie et je vais filer voir Vent d'Orage !
    Trois quarts d'heure plus tard, Dick et cinq pionniers s'élancent vers le village des agresseurs présumés de la caravane.
    Il a été convenu que si le petit groupe n'a pas donné de ses nouvelles à deux heures de l'après-midi, Sam doit venir à sa recherche avec une quarantaine d'hommes, solidement armés.
    En une heure de galop, les six cavaliers sont en vue des tepees Cheyenne et, bientôt, Dick est en présence du sachem, Vent d'Orage.
    - Je suis heureux de te revoir, sachem, bien que ma mission soit douloureuse à remplir.
    - Vent d'Orage te salue, frère blanc, je t'écoute.
    - La caravane que je conduis avec Sam Rawley, que tu connais, à été attaquée par tes guerriers, il y a deux heures, dans la passe des Collines. Voici six des flèches qui ont fait, parmi les Blancs, plusieurs victimes, dont trois morts.
    - Ce sont bien des flèches de ma tribu, mais, elles n'ont pas été tirées par des Cheyennes. Je n'ai dehors actuellement que trente guerriers qui chassent le bison, à trois jours de galop, vers le Nord.
    - Je ne voudrais pas douter de ta parole, Vent d'Orage, mais les preuves sont là, entre nous deux !
    - Je t'affirme, de nouveau, que ce ne sont pas mes hommes qui vous ont attaqués et tu dois me croire. Je vais immédiatement réunir le Conseil des Anciens pour délibérer sur ton accusation.
    Bientôt, en effet, les Anciens de la tribu entendent Dick, mais leur réponse est la même que celle du sachem.
    Cependant, l'un d'eux émet l'opinion que l'attaque peut avoir pour auteur des guerriers Blackfoot entraînés par Loup Agile, lieutenant du sachem, Bison Farouche.
    En effet, si ce dernier respecte stritement le traité signé avec les Blancs, son second n'a jamais caché sa haine pour les visages pâles.
    Un messager est aussitôt envoyé chez les Blackfoot avec mission de ramener Bison Farouche.
    Entre temps, Vent d'Orage, prudent, envoie une dizaine de ses guerriers surveiller les mouvements de la caravane et ordonne à tous les hommes présents au village de s'armer.
    Pendant ce temps, Dick a rejoint ses cinq compagnons, restés sur la place du village et leur fait part de la situation. Ces hommes simples et rudes n'arrivent pas à admettre les dénégations des CHeyenne, devant la preuve fournie par les flèches et leur colère éclate en cris et en gestes furieux qui font se resserrer, autour d'eux, le cercle des guerriers armés qui les surveillent. Dick comprend que la bagarre peut éclater, d'une seconde à l'autre et, d'accord avec le sachem, fait entrer les pionniers sous le tepee de celui-ci.
    Soudain, un Cheyenne arrive au galop et signale à Vent d'Orage qu'une cinquantaine de Visages Pâles sont en vue.
    Avant que Dick n'ait le temps d'expliquer au sachem ce qui avait été convenu avec Sam, celui-ci saute de cheval, devant la tente du Conseil.
    - Les Cheyenne sont-ils devenus des chacals pour attaquer les Blancs, sans aucune provocation et malgré le traité qu'ils ont signé ?
    - Calme-toi, Sam, crie Dick en sortant de la tente de Vent d'Orage, suivi du sachem.
    - Et, vousautres, ajoute le scout, en se tournant vers les pionniers, ne bougez ni pied ni patte ! Il y a eu assez de sang comme ça !
    Des voix furieuses lui crient des choses qu'il ne comprend pas tout d'abord, mais, qu'il devine soudain, en voyant au premier rang deux de ses compagnons dont les vêtements sont couverts de sang frais.
    - Dick, lui dit Sam, les Cheyenne nous ont de nouveau attaqués en traîtres à la sortie du bois, à un quart d'heure d'ici ! Et ils se sont enfuis comme des lâches !
    Rawley a employé la langue des Cheyenne et, cette fois-ci, ce sont les guerriers, massés sur la place, qui murmurent de colère.
    Mais un autre incident détourne, une nouvelle fois, l'attention des acteurs de ce drame : Bison Farouche, sachem des Blackfoot, arrive, suivi de vingt de ses braves.
    La situation est si tendue que Vent d'Orage, passant outre aux usages consacrés, le met au courant des événements, là, sur la place publique. Bison Farouche réfléchit quelques instants, puis, répond, lentement :
    - Si mon frère, Vent d'Orage, affirme que ses guerriers n'ont pas attaqué les Visages Pâles, on doit le croire, car sa langue est loyale. Cependant, les Blancs ont des preuves... Qui sont donc les coupables ? Dois-je comprendre, puisqu'on m'a appelé, que l'on soupçonne les blackfoot d'avoir trahi le traité ?
    Il est dit que la journée sera fertile en coups de théâtre, car, au moment où Vent d'Orage va répondre, les rangs des Indiens et des pionniers s'ouvrent et un cavalier Cheyenne, sanglant, épuisé, s'avance au pas de son mustang qui semble le porter avec les précautions d'un frère.
    L'homme a dû dépenser une somme énorme d'énergie pour regagner le village, car, il a la poitrine traversée par une flèche, tirée dans son dos... et c'est une flèche cheyenne !
    - Mon frère peut-il dire qui l'a blessé, demande Vent d'Orage ?
    - Loup Agile... et... des... Blackfoot... parce que j'avais... vu... leur attaque... contre... Visages Pâ...
    Et le guerrier, vaincu, s'affaisse sur le cou de son cheval.
    Aussitôt, Bison Farouche s'élance sur sa monture et crie :
    - Que mes braves me suivent ! Nous allons châtier les lâches qui ont trahi la parole donnée !


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