• un an de grande vacances

    un an de grandes vacances
    8


     Pour la nuit, on tendit les prélarts de toile entre les arbres, en passant de solides cordelettes dans les anneaux de cuivre qui garnissaient les lisières. On confectionna ainsi des hamacs à plusieurs compartiments. Nous décidâmes que chacun de nous veillerait à tour de rôle. M. Dalbret insista pour avoir comme quiconque son tour de garde. On tira au sort l'ordre de roulement. C'est au petit Bertrand qu'échut le premier quart. Je compris à son regard que l'idée de demeurer deux heures en sentinelle solitaire, sur cette terre inconnue, l'épouvantait. Comme j'étais le second, je proposai de faire trois heures de garde, mais par équipes de deux hommes, prétextant que c'était le seul moyen d'empêcher le veilleur de s'endormir. Chaque factionnaire était armé d'une des deux carabines, dont Firmin avait expliqué le maniement et qu'il avait soigneusement chargées.
    Tandis que nos camarades s'endormaient paisiblement sous notre protection, le petit Bertrand s'était assis à mes côtés. C'était encore un vrai gosse, avec des cheveux bouclés et de beaux yeux bleus qui mangeaient son visage blême.
    - Crois-tu, Dubois, que nous reverrons jamais la France ?
    - Mais bien sûr. Maintenant qu'on est sorti du "Kronprinz", tout danger est écarté. C'est une question de semaines, de jours, peut-être.
    - Tu es gentil. Tu dis ça pour me tranquilliser parce que tu sais que je suis peureux. Ce n'est pas tant pour moi que je crains, mais, vois-tu, ma mère est veuve et elle n'a plus que moi. Alors, n'est-ce pas, il faut absolument qu'elle me retrouve.
    - Ne fais pas l'idiot. Toutes nos mères nous retrouveront. Ah ! quelle bouillabaise Merlon va se taper quand nous débarquerons à Marseille.
    Et Bertrand sourit doucement en songeant au petit appartement où, sous la lampe, sa maman, les yeux rougis, lisait les journaux du soir.
    Le lendemain matin, je fus tiré de mon sommeil par les jacasseries d'oiseaux au long plumage jaune et noir.
    - Ce sont des paradisiers, nous expliqua M. Dalbret. On les trouve surtout en Nouvelle-Guinée, mais ils sont répandus dans presque toute l'Océanie. Il y a de quoi servir toutes les modistes de Paris.
    Et, effectivement, au-dessus de nos têtes tourbillonnaient, en masses compactes, ces gracieux oiseaux au vol lent, plein de noblesse.
    - Avez-vous bien dormi, M,sieur ? lança Firmin surgissant, hirsute, des profondeurs de son hamac.
    - Et toi ? interrogea Pergaud qui avait veillé avec Labadou. Moi, cette garde de minuit qui m'a coupé mon sommeil me rend tout vaseux.
    - Sache que, comme Napoléon, Firmin Labadou a le pouvoir de s'éveiller et de se rendormir à volonté sans le moindre inconvénient, proclama le jeune athlète en faisant jouer ses muscles.
    Le déjeuner fut joyeux. Le baromètre était à l'optimisme. La première nuit avait été d'un calme parfait et il ne semblait pas qu'il y eût sur l'île un danger quelconque à redouter.
    Le repas fini, on se divisa en trois groupes pour prospecter l'île Toussaint. Firmin et Bertrand allaient prendre à gauche, Merlon et Langlois marcheraient droit devant eux, tandis que Pergaud et moi-même devions parcourir la côte-ouest. Il était convenu qu'après une heure de marche, les équipes rebrousseraient chemin et reviendraient au camp du "Gouverneur". Les équipes tirèrent au sort les deux carabines qui échurent à Firmin et à moi-même.
    - C'est notre expédition centrale qui sera la plus intéressante, plaisanta Merlon. Nous allons, Messieurs, parcourir le coeur même d'une région sauvage où la main de l'homme n'a jamais mis le pied ! J'en profitera pour vous ramener des échantillons de tous ce qui est comestible.
    - Soyez prudents, recommanda M. Dalbret. Ouvrez l'oeil et méfiez-vous de tout ce qui rampe, des vipères notamment.


    A SUIVRE


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :