• un an de grandes vacances

    un an de grandes vacances
    15


    - Non !  pas par là ! me cria Merlon, en imprimant à son crâne une conversion vers la droite.
    Je crus que j'allais pleurer de joie. A sept ou huit milles de nous, une île paradisiaque avait surgit des flots, toute parée de verdure.
    C'était un énorme plateau légèrement incliné, dont les côtés, abruptes à l'est, descendaient à l'ouest en pente douce vers le rivage. L'île était couronnée de forêts, et l'on distinguait, au centre, le ruban d'argent d'une cascade qui tombait de roc en roc, par paliers, jusqu'à la mer.
    La fièvre qui me martelait les tempes s'était envolée comme par enchantement. Tous mes camarades étaient maintenant réveillés et retrouvaient leur voix pour clamer leur allégresse. L'émotion était si vive qu'ils s'appuyèrent tous vers tribord, au point que notre pirogue menaça un moment de chavirer.
    - Du calme, de grâce ! lança M. Dalbret en riant. Vous ne voudriez pas vous noyer lorsque enfin nous touchons au but !
    - L'île est habitée, remarqua le petit Bertrand. Je distingue des huttes et de la fumée, à l'extrême gauche du plateau.
    - Pourvu que ses habitants soient plus aimables que deux de l'île Toussaint, s'inquiéta Pergaud.
    - Voyez, là, sur la plage ! On dirait que les indigènes nous font des signes.
    - En effet, poursuivit Langlois. Ils agitent les bras en l'air et je ne leur vois aucune arme à la main. Ils n'ont pas l'air hostiles.
    Déjà les naturels poussaient à la mer des embarcations et pagayaient avec énergie. Pour venir à notre rencontre, ils décrivaient un vaste arc-de-cercle. Par des gestes impérieux, ils nous invitaient à exécutée le même mouvement vers eux.
    - Il existe sans doute des récifs à fleur d'eau, droit devant nous, qui interdisent l'abord de l'île de ce côté, conclut M. Dalbret. Obéissons à la manoeuvre qu'ils nous indiquent.
    - Méfions-nous néanmoins, conseilla Firmin, en armant sa carabine. Il ne faudrait pas que nous allions de Charybde en Scylla. Ces cocos-là aiment peut-être les étrangers de la même façon qu'un matou aime les souris !
    Les pirogues indigènes s'étaient maintenant rapprochées. Nous pouvions distinguer des corps bronzés et athlétiques, des chevelures crépues, divisées en trois parties, celle du milieu rappellant un peu une crinière de casque. Ils avaient la taille serrée dans un élégant paréo de couleur vive qui leur descendait sous les genoux.
    - Ils ne portent pas les hideux tatouages des Papous, observa M. Dalbret. Leur visage plus fin me laisse croire que nous avons affaire à des Maoris. En ce cas c'est le salut.
    Firmin et Pergaud avaient abaissé leur carabine et tous nous faisions de grands signes d'amitié, auxquels les indigènes répondaient par une sorte de chant de bienvenue, mélodieux et un peu nostalgique.
    Leurs pirogues étaient artistiquement ornées à l'arrière de larges feuilles de pandanus qui formaient comme une petite cabine? C'est, pilotés par une véritable escorte, que nous arrivâmes jusqu'à la plage.
    Là, d'autres indigènes, des femmes et des enfants, halèrent notre embarcation sur le sable. Quand nous voulûmes prendre pied sur le sol, nos jambes étaient si engourdies et nos muscles si faibles que nous pouvions à peine nous tenir debout. Aidés de quelques vigoureux gaillards, nous empaquetâmes nos affaires et notre matériel. A grand renfort de cris et de gestes, les naturels nous invitaient à monter vers le plateau où se trouvait le village. Comme nous voulions charger nos bagages sur notre dos, des dizaines de porteurs bénévoles se disputèrent l'honneur de nous soulager de cette charge.
    - Eh bien ? Que dites-vous de cet accueil ? interrogea M. Dalbret.
    - C'est merveilleux ! fimes-nous en choeur.
    Nous étions épuisés, mais la cordialité de la reception nous rendait un tel courage que nous aurions bien embrassé tous ces braves gens.
    Nous montions vers le village, littéralement entourés par nos nouveaux amis. Ceux-ci semblaient attacher une particulière admiration à la belle barbe blanche de M. Dalbret, ainsi qu'aux carabines que Firmin et Pergaud portaient en bandoullère. Manifestement, ces Maoris avaient déjà vu des blancs et éprouvé la redoutable puissance des armes à feu.


    A SUIVRE


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :