• un an de grandes vacances

    un an de grandes vacances
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    M. Dalbret était un philologue étonnant. Au bout de quelques jours, il était parvenu à comprendre assez de mots polynésiens pour exprimer nos désirs courants. Il avait même le projet de confectionner une grammaire et un vocabulaire du dialecte en usage à Hono-Rourou, c'était le nom de notre île.
    Le roi Hama-Koua avait, dès les premiers jours, chargé ses serviteurs de nous bâtir une case digne de nous, à l'extrémité du village. Comme nous désirions un confort relatif, nous avions soumis au roi un plan qui l'avait fort enchanté. C'était une construction rectangulaire avec une pièce commune sur laquelle donnaient des alcoves où chacun trouverait l'illusion d'une minuscule chambrette. Les murs étaient faits de troncs d'arbustes et le toit de feuilles de palmiers tressés, attachées par des lianes à une claie de jonc. Nous avions de petites fenêtres, hélas sans carreau, et une porte glissant sur un rail en bois. Mais ce qui avait le plus charmé les indigènes, c'étaient notre table, nos tabourets et notre armoire à étagères.
    Tout cela nous prit bien du temps, mais c'était une heureuse distraction pour occuper nos loisirs. Lorsque tout fut près, nous invitâmes Hama-Koua, son sorcier Mokini et les dignitaires à un grand festin. M. Dalbret y sacrifia les dernières boîtes de conserve, généreusement offertes par le commandant von Falkenberg. Nous eûmes toutes les peines du monde à empêcher nos hôtes de se passer autour du cou les chapelets de saucisses de Francfort, comme des colliers.
    Pour nous délasser, nous faisions d'admirables excursions dans tous les coins de l'île. On raconte que le Paradis terrestre était situé à Ceylan. Je ne puis, pour ma part, le placer ailleurs qu'à Hono-Rourou. la féerie des fleurs, des beaux arbres chargés de fruits, le vol gracieux des oiseaux au plumage multicolore, tout y était pour évoquer l'image de l'Eden. Même le serpent n'y manquait pas. Oh ! bien sûr, pas des boas, ni des pythons, mais des vipères du genre aspic, petites et dorées, qui se dissimulent sous le feuillage où on les prend pour des taches de soleil.
    Un jour que nous avions été jusqu'à la cascade, où Firmin aimait prendre une douche d'eau glacée, nous nous étions étendus dans l'herbe. Merlon cueillait, à une branche qui lui pendait presque dans la bouche, un petit fruit exquis, jaune comme une mirabelle. Soudain, il poussa un cri :
    - Je vais mourir ! J'ai été mordu à la cheville par une vipère.
    De mon talon, j'écrasais la tête de l'animal, tandis que Firmin sortait son couteau et débridait la plaie qui déjà gonflait les chairs.
    - Arrête, hurla Merlon, tu me fais horriblement mal. Jean, s'adressa-t-il à moi, empêche donc cet idiot de me couper le pied !


    A SUIVRE


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