• le chat de platine

    le chat de platine
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    Que s'était-il passé ?... Marinon, puis Jean-Jacques embusqués dans l'escalier, avaient vu venir l'un après l'autre les deux bossus. Mais dans le premier des deux ils avaient aisément reconnu M. Laitance déguisé. Le second bossu était le vrai !... Quand le dangereux malfaiteur, profitant de la subite extinction des lumières, était entré à son tour dans l'habitacle, Jean-Jacques l'avait suivi de près. En passant, il avait décroché le couvercle d'une des petites armoires dans lesquelles les capitaines de paquebots enferment les drapelets de signalisation optique. Ce couvercle porte une dizaine de pointes, auxquelles on peut accrocher d'autres drapelets. C'est ainsi que le jeune garçon, rabattant sur lui ce bouckier improvisé, s'était juché sur la table où reposait le Chat de Platine, et qu'il avait pu protéger, juste à temps le précieux objet.
    A présent, en sens inverse, il courait après le voleur déconfit, que Marinon, la première avait pris en chasse.
    Au premier étage des cabines, la lumière avait également été coupée. Ygrec, qui ne reoutait personne pour la course à pied, eut bientôt rejoint sa soeur au bas de l'escalier. Il tira de sa poche une torche électrique. Le rond de clarté, glissant le long des murailles, atteignit le bossu. Aussitôt, celui-ci poussa la porte de la première cabine venue et s'y engouffra.
    - Attention ! Il entre chez Colonel ! s'écria la jeune fille, qui bondit sur la porte refermée et la maintint solidement.
    C'est à ce moment qu'évlatèrent les coups de feu. A l'intérieur de la cabine...
    - Qu'est-ce qu'il fait ? reprit Marinon. M. Douze se bat avec le canard ?
    - Tu te trompes, souffla Ygrec. Ceci n'est pas la cabine du canard, mais celle de Sidonie.
    - L'affreux bandit est en train d'assassiner la malheureuse ! Il faut agir !
    Hélas, la porte était solidement verrouillée ! Derrière, on entendait un tapage indescriptible, où dominait la voix nasale de la vieille bonne :
    - Oh ! le vilain ! Oh ! le malappris qui veut me massacrer !... Tiens, malhonnête que tu es !
    Une espèce de grondement furieux lui répondait. Des chocs violents ébranlaient le plancher et les murs.
    - La pauvre femme jette à la tête du bandit tout ce qui lui tombe sous la main ! admira Marinon. Elle ne se laisse pas impressionner !
    - Ah ça, pour l'obstination, elle ne craint personne ! appuya Jean-Jacques, d'un drôle d'air.
    - Ce n'est pas le moment d'épiloguer sentencieusement mon vieux ! Il faut enfoncer la porte.
    - Si tu veux ! répondit le jeune garçon, sans empressement ni enthousiasme.
    - Ygrec ! Yu m'étonnes ! Toi que je n'ai jamais vu peureux !... Il y a une vie à sauver et tu hésites !... Si tu n'y vas pas, j'y vais !
    D'une épaule indignée, Marinon poussa le panneau de tôle, qu'elle dut soumettre à une pression exceptionnellement vigoureuse, car au bout d'un moment il céda. La jeune fille se précipita dans la cabine.
    Il y régnait un incroyable desordre. Lit, table, sièges, armoire, tout était sens dessus dessous. Au hublot, grand ouvert, était accroché un pan d'étoffe, dans lequel on reconnut un morceau du manteau de M. Douze. Dans un coin, la vieille bonne se débattait encore en criant :
    - Ah, vilain oiseau !... Ah, sacré ramoneur, qui attaques le monde pour le faire périr !
    Les mains de la pauvre créature saignaient abondamment. Par chance, c'étaient là ses seules blessures. Elle expliqua qu'en voyant le bossu faire irruption dans la cabine, elle lui avait demandé ce qu'il venait faire là. Pour toute réponse, l'homme avait sorti son pistolet. Sidonie avait voulu le lui arracher. Le bandit avait tiré, blessant la vieille femme. Alors, une lutte terrible s'était engagée. Epuisée, affaiblie par le sang perdu, épouvantée par les coups de feu, Sidonie avait cessé de disputer le passage à son adversaire, qui s'était glissé dehors par l'ouverture du hublot.
    La jeune fille essaya d'obtenir d'autres détails, mais sans succès. La victime de M. Douze ne songeait plus qu'à s'entortiller les mains dans des mouchoirs. En vain, Marinon parla d'infirmerie et de soins médicaux. La blessée ne voulut rien entendre.
    - N'insiste pas, Marinon, intervint Jean-Jacques, qui avait assisté silencieux à cette discussion. Tu vois bien que cette excellente Sidonie n'en veut faire qu'à sa tête. Il n'y a qu'une solution. Reste avec elle dans sa cabine, pour t'assurer constamment que son état n'empire pas. Je viendrai prendre des nouvelles toutes les heures.
    - Oh là là ! protesta Sidonie. Pas besoin de tant d'affaires, pour un bobo de rien du tout ! Quand j'aurai pris un bon bain de pied à la moutarde...
    - On croit ça, fit Jean-Jacques. Non, non, mieux vaut procéder comme je viens de l'indiquer.
    Marinon, bouche bée, front plissé, écoutait son frère sans rien dire. Jean-Jacques mit le comble à l'ahurissement de sa soeur en ajoutant deux ou trois petits sifflements, auwquels elle répondit, avec un soupir :
    - J'ai compris. Sois tranquille.
    Et, après avoir refermé le hublot, elle s'installa, les yeux fixés sur la vieille bonne blessée.
    Dans le couloir, Ygrec vit son oncle et M. Laitance. Les deux hommes arrivaient, exactement du même pas.
    - On a tiré !... On a tiré ! répétait le détective avec agitation.
    Ygrec lui raconta ce qui venait de se passer. /
    - Il a sauté à la mer ?... Bravo ! fit M. Colerette. Nous voilà définitivement débarrassés du chef de la bande. Il doit s'être noté.
    - Mais s'écria soudain le jeune garçon, n'étais-tu pas de garde là-haut, mon bon oncle ?... Et aussi M. Laitance ?
    - Je l'étais. Mais qu'est-ce que tu veux ? Quand j'entends tirer des coups de revolver, je ne me tiens plus. Tout bon chien de chasse suit l'odeur de la poudre... Quant à M. Laitance, je ne pouvais le laisser là; nous sommes unis par la chaîne des menottes... Mais il n'y a pas lieu de s'en faire : le troisième homme de garde est resté au poste. //
    - Seul ? s'exclama Jean-Jacques éberlué. Seul a vec le Chat de Platine !... Et qui est ce troisième homme ?
    - C'est le charmant, le complaisant, l'accomodant Morovitch.
    - Mon Dieu, quelle folie !
    En s'élançant dans l'escalier, Jean-Jacques grommelait :
    - Perdus pour perdus, nous allons enfin voir clair !


    A SUIVRE


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