un an de grandes vacances
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Quelques minutes plus tard, nous débarquions nos sacs et les deux caisses sur les rochers rouges de la pointe-est, où la côte est la moins élevée. Déjà la vedette s'éloignait vers la "Kronprinz".
- Pourvu qu'on trouve quelque chose de comestible dans ce bled, s'inquiéta Merlon.
- Regarde, me souffla Firmin, je viens d'échanger avec l'aide-cuisinier mon stylo contre dix paquets de cigarettes.
La côte-est de l'île paraissait la plus abrité et la plus fraîche. Elle était ombragée par de jolis arbres à palmes inclinées, dont certains devaient atteindre près de quinze mètres. On décida donc d'y installer provisoirement notre camp, remettant au lendemain une reconnaissance plus poussée de notre royaume.
M. Dalbret prit solennellement possession de l'île, en qualité de gouverneur provisoire, au nom du président de la République. Le petit Bertrand proposa de la baptiser "l'île Toussaint", en souvenir d'un ancien directeur de notre pensionnat, ce qui fut approuvé à l'ananimité.
On commença alors à faire l'inventaire du matériel dont nous avait gratifié le baron von Falkenberg. Il y avait trois toiles à voile de plusieurs mètres carrés, deux marmites, des écuelles et des gobelets en étain, des gourdes de café, sept couteaux de marin dans leurs gaines de cuir, des scies, des haches, une série de boîtes de conserves "made in Germany", des cordes et des pelotes de ficelle, diverses bricoles utiles et surtout deux superbes carabines à répétition avec des munitions. Firmin Labadou, qui, à chaques vacances, chassait dans les champs paternels, les apprècia en connaisseur :
- Avec ça, m'sieur Dalbret, je me fais fort de vous rapporter à manger, si tant est qu'il existe le moindre gibier à plume ou à poil sur cette île.
- Bravo, nous ne mourrons donc pas de faim. Mais pour épargner les munitions, il faudra placer des pièges, des collets.
- Je vous montrerai, déclara Firmin, il n'y a pas dans toute la Touraine un meilleur braconnier que moi.
- Nous devrions aussi pouvoir pêcher, fis-je à mon tour.
- Excellente idée ! reprit Labadou. je fabriquerai des lignes de fonds.
- Alors quoi, c'est toi qui va tout faire, s'exclama Langlois, tandis que nous, on applaudira à ton adresse !
- Ne vous disputez pas, mes enfants, intervint M. Dalbret, il y aura, croyez-moi, de l'occupation pour chacun et plus qu'il n'en faudra. Faites-moi confiance ! Je vous demande de m'obéir et que tous soient fraternellement unis.
- C'est cela, approuva le petit Bertrand, comme dans "Les Trois Mousquetaires" : un pour tous, tous pour un !
Chacun avait pendu un couteau à sa ceinture et s'était coiffé de son mouchoir, ce qui nous donnait l'air aventurier qu'exigeait le cadre. Tandis que l'un ramassait du bois, l'autre allumait le feu dans un creux de roche nue. On allait puiser de l'eau à la source qu'on entendait chanter sous la futaie.
Firmin s'était mis pieds nus et, s'aidant de sa ceinture, il avait grimpé avec l'agilité d'un singe au sommet d'un des arbres.
- Gare là-dessous ! J'expédis le dessert, cria-t-il.
Et à ces mots, s'abattirent sur le sol de volumineuses noix de coco.
- Fais-en tomber tant que tu peux ! implora Merlon. Il est prudent de faire des provisions et puis, tout ce qui est par terre ne risque pas de nous tomber sur la tête !
- Cette île est beaucoup plus grande qu'elle ne paraît, remarqua Firmin perché comme une vigie dans la hune d'un mât. je n'arrive pas à en voir les extrémités.
- Nous verrons cela demain à notre aise, fit M. Dalbret, tandis que Labadou reprenait contact avec le sol.
Je regardais mon camarade. Il avait l'air d'un vrai pirate avec son torse musclé et son grand mouchoir rouge à pois sous son panama crânement incliné.
- Ca te va, hein Firmin, cette vie-là !
- Mon p'tit Jean, fit-il, je crois que je n'ai jamais été si heureux.

A SUIVRE